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Blog Littéraire

Tralilou Lit

Camara Laye, L'enfant noir, Pocket, 2007

Camara Laye, L'enfant noir, Pocket, 2007

En 1953, à 25 ans seulement, Camara Laye raconte son enfance en Haute-Guinée dans les années 30'. Sa famille, son village, les traditions, l'école et les champs. C'est le portrait d'un enfant, d'une époque et d'un pays, son pays natal.

Un jour pourtant, je remarquai un petit serpent noir au corps particulièrement brillant, qui se dirigeait sans hâte vers l'atelier. Je courus avertir ma mère, comme j'en avais pris l'habitude ; mais ma mère n'eut pas plus tôt aperçu le serpent noir, qu'elle me dit gravement :
– Celui-ci, mon enfant, il ne faut pas le tuer : ce serpent n'est pas un serpent comme les autres, il ne te fera aucun mal ; néanmoins ne contrarie jamais sa course.
Personne, dans notre concession, n'ignorait que ce serpent-là, on ne devait pas le tuer, sauf moi, sauf mes petits compagnons de jeu, je présume, qui étions encore des enfants naïfs.
– Ce serpent, ajouta ma mère, est le génie de ton père.

Camara Laye, L'enfant noir, Pocket, 2007

J'ai beaucoup aimé ce livre.

C'est l'histoire d'un enfant qui grandit, qui devient un homme ; sa vie quotidienne mais aussi les traditions, les coutumes, les cérémonies de son pays natal. Ce jeune garçon est l'aîné de la famille, il doit succéder à son père mais rêve d'autres horizons.

Il y a du mystère, du silence, de l'émotion. L'ensemble est assez mystique. Le mélange des croyances est très bien décrit : un peu d'islam, un peu de chamanisme, un peu de totémisme ...

Certains passages m'ont particulièrement touchée, trois moments en particulier : quand le personnage principal est dans les champs avec son oncle et qu'ils chantent ; quand il quitte ses parents et prend le train pour aller étudier loin et quand il parle de son amitié avec Marie à plusieurs reprises.

J'ai trouvé l'écriture très belle, souvent poétique.

Ce n'est pas un coup de cœur car certains passages étaient peut-être un peu longs à mon goût, mais je ne regrette pas du tout d'avoir pris le temps de lire ce livre car, au-delà de la part autobiographique, c'est un livre assez intéressant, émouvant et qui invite à l'introspection.

Ma mère était née immédiatement après mes oncles jumeaux de Tindican. Or on dit des jumeaux qu'ils naissent plus subtils que les autres enfants et quasiment sorciers ; et quant à l'enfant qui les suit et qui reçoit le nom de « sayon », c'est-à-dire de « puinè des jumeaux », il est, lui aussi, doué du don de sorcellerie ; et même on le tient pour plus redoutable encore, pour plus mystérieux encore que les jumeaux, auprès desquels il joue un rôle fort important : ainsi s'il arrive aux jumeaux de ne pas s'accorder, c'est a son autorité qu'on recourra pour les départager; au vrai, on lui attribue une sagesse supérieure à celle des jumeaux, un rang supérieur ; et il en va de soi que ses interventions sont toujours, sont forcément délicates.

Camara Laye, L'enfant noir, Pocket, 2007

C'est cette année-là, cette première année-là puisque la précédente ne comptait plus, que je nouai amitié avec Marie.
Quand il m'arrive de penser à cette amitié, et j'y pense souvent, j'y rêve souvent - j'y rêve toujours ! -, il me semble qu'il n'y eu rien, dans le cours de ces années, qui la surpassât, rien, dans ces année d'exil, qui me tint le cœur plus au chaud. Et ce n'était pas, je l'ai dit, que je manquais d'affection ; mes tantes, mes oncles me portèrent alors une entière affection ; mais j'étais dans cet âge où le cœur n'est satisfait qu'il n'ait trouvé un objet à chérir et ou il ne tolère de l'inventer qu'en l'absence de toute contrainte, hormis la sienne, plus puissante, plus impérieuse que toutes. Mais n'est-on pas toujours un peu dans cet âge, n'est-on pas toujours un peu dévoré par cette fringale ? Oui, a-t-on jamais le cœur vraiment paisible.

Camara Laye, L'enfant noir, Pocket, 2007

A la nuit tombante, mon oncle Lansana rentrait des champs. Il m’accueillait à sa manière, qui était timide. Il parlait peu. A travailler dans les champs à la longueur de la journée, on devient facilement silencieux ; on remue toutes sortes de pensées, on en fait le tour et interminablement on recommence, car les pensées ne se laissent jamais tout à fait pénétrer ; ce mutisme des choses, des raisons profondes des choses, conduit au silence ; mais il suffit que ces choses aient été évoquées et leur impénétrabilité reconnue, il en demeure un reflet dans les yeux : le regard de mon oncle Lansana était singulièrement perçant, lorsqu’il se posait ; de fait, il se posait peu : il demeurait tout fixé sur ce rêve intérieur poursuivi sans fin dans les champs.

Camara Laye, L'enfant noir, Pocket, 2007

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