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Blog Littéraire

Tralilou Lit

Eric Pessan, Aussi loin que possible, 2015, Ecole des Loisirs

Eric Pessan, Aussi loin que possible, 2015, Ecole des Loisirs

Antoine et Tony, collégiens aux vies difficiles, sont partis. Sans rien préméditer, comme ça, un matin. Ils courent des heures durant, sortent d'abord de leur cité puis de leur ville. Ils ne font pas marche arrière. Sans se concerter, ils courent, côte à côte ou l'un devant l'autre, aussi loin que possible. 

L'un fuit la violence de son père, l'autre la hantise de se faire expulser. Ils sont, ensemble, unis dans l'effort.

Fatigués mais terriblement vivants.

Eric Pessan, Aussi loin que possible, 2015, Ecole des Loisirs

C'est une très belle histoire qui nous relate un petit morceau de vie de ces deux jeunes ados.

Ce n'est pas une fugue, car rien n'était prévu. Ils se sont mis à courir pour s'amuser, pour faire la course. Et ils ont continué parce que, malmenés par la vie, ils avaient besoin de laisser leurs gros soucis derrière eux autant que leurs sacs à dos. Eric Pessan nous parle en effet de deux sujets graves (l'expulsion et la violence familiale), mais tout en simplicité et avec justesse, avec des mots d'ados.

Antoine et Tony échangent peu durant cette course, ils sont chacun dans leurs pensées, dans la conscience de leur corps et de leur environnement.

La course est décrite sous tous ses aspects : ce qu'il se passe dans la tête, la sensation de liberté, l'impression que tout est possible ; ce qu'il se passe dans le corps aussi, les muscles qui chauffent, qui fatiguent, qui tremblent. Le bon et le mauvais. La joie intense comme la fatigue et l'épuisement.

Le texte est assez contemplatif malgré tout : Antoine et Tony regardent autour d'eaux, les routes, les immeubles, les paysages, les champs ... et l'auteur nous invite à prendre le temps de regarder autour de soi, de voir les choses qu'on ne voit plus.

Ce livre est porté par une écriture puissante, percutante, où l'on croit entendre les battements de cœur des deux personnages à chaque page.

C'est quoi, deux heures ? Un cours d'histoire-géo, un cours de maths. Bientôt, un cours d'arts plastiques. Une matinée, un minuscule bout de vie où rien ne se produit, où rien ne se passe. Combien de fois ai-je perdu deux heures sans m'en rendre compte ?
[...]
J'ai remplacé deux heures banales de ma vie par deux heures magnifiques.

Eric Pessan, Aussi loin que possible, 2015, Ecole des Loisirs

L'épouse de mon grand-père maternel — je n'arrive pas à dire que c'était ma grand-mère — est morte quand ma mère était petite fille. Un jour, mon grand-père m'a expliqué qu'elle n'aimait plus la vie. J'étais vraiment petit, j'avais cru que l'on mourrait naturellement lorsque l'on n'aimait plus la vie. Dans les mois qui ont suivi, je m'étais souvent posé la question : est-ce que j'aimais assez la vie pour ne pas mourir une nuit, dans mon sommeil ? Mais oui, j'aimais la vie. J'aimais ma mère assise devant la télé du matin au soir. J'aimais mon père qui ne me parlait qu'avec le revers de ses mains. Ça me rassurait. Un môme aime ce qui l'entoure. Un môme ne sait pas que d'autres vies sont possibles.

Eric Pessan, Aussi loin que possible, 2015, Ecole des Loisirs

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