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Blog Littéraire

Tralilou Lit

Guillaume Meurice, Cosme, Flammarion, 2018

Guillaume Meurice, Cosme, Flammarion, 2018

C'est l'histoire de Cosme, un fils d'immigrés espagnol qui n'a pas fait d'études et qui découvre, dans son petit appartement parisien, le sens caché du mystérieux poème Voyelles, écrit par l'un des plus grands poètes français, Rimbaud. Un poème qui suscite beaucoup d'intérêt chez les universitaires et dont on a fait beaucoup d'interprétations et de théories ... Lui aussi a la sienne.

En flashback, nous découvrons son enfance à Biarritz, son passé de délinquant, son passage par la rue, son service militaire où il a pour mission de déchiffrer des messages secrets et ses parties d'échecs. Une vie de solitude, de rencontres, de lectures et d'écriture : de mots.

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d’ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides
Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
— O l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux !

Rimbaud, Voyelles, 1871/1872

Il lit au mètre. Il lit au kilo. Il va à la bibliothèque comme un adepte de la force basque va à la boucherie. Un besoin. Une nécessité. Obsédé. Possédé. Il lit partout. Dans les bars, dans les parcs, sur les bancs. Imperturbable aux bruits, aux tapages, aux vacarmes de la vie. Il lit.

Guillaume Meurice, Cosme, Flammarion, 2018

J'ai beaucoup aimé ce premier roman de Guillaume Meurice.

Je me suis vite pongée dans l'histoire de Cosme auquel je me suis facilement attachée. Ce personnage est un homme assez solitaire malgré les grandes rencontres qui jalonnent son parcours. Il n'a pas fait d'études mais son intelligence et sa culture ne se mesurent pas à son parcours scolaire. C'est beaucoup plus que ça. Il joue des heures durant aux échecs et surtout il a un véritable amour pour les mots. Il lit beaucoup, il écrit aussi, magnifiquement bien.

J'ai adoré que le début du roman ne soit pas le début de son histoire et qu'il soit consacré à ses recherches et ses réflexions autour de l'énigmatique poème de Rimbaud. Et qu'ensuite seulement on en apprenne plus sur lui.

L'écriture de Guillaume Meurice m'a surprise. Je connaissais déjà les répliques du chroniqueur radio, j'ai découvert la plume de l'écrivain. C'est tellement différent ... ! Evidemment il ne s'agit pas du même exercice mais je fus agréablement surprise car ici il n'y pas d'humour ni d'ironie. Il y a de la douceur et de la gravité. Des mots qui touchent, des mots qui restent.

[Son frère] fut le premier à lui parler de cet auteur [Antonin Artaud]. A l'époque où il était membre d'un groupe de musique électronique, tantôt psychédélique, tantôt incantatrice. De la poésie sauvage. Sans compromis avec les standards du moment. Il se souvient d'un frère attentionné lui conseillant de prendre garde à ce type de lecture. Celles qui « mangent le cerveau ».
C'est le cas. Artaud le hante. Le fait vaciller. L'immerge. Le submerge. Pour tenter de remonter à la surface, il trouve une parade. Il écrit.

Guillaume Meurice, Cosme, Flammarion, 2018

A la nuit tombée, les seuls recours possibles restent des caves d'immeuble abandonnées, un Abribus, ou un carton posé à même le sol. La journée, il continue de chercher quelques trafics, en même temps que des planques pour ses uniques possessions : deux pantalons, deux pulls, trois tee-shirts, trois caleçons et trois paires de chaussettes. Expérience du dénuement total.
Pourtant, il se refuse à faire la manche. Teste ses capacités de résistance. Naufragé volontaire, il traverses l'indigence, le froid. La faim le tiraille, imprime dans sa mémoire des sensations extrêmes. Les maigres fruits du recel sont dévorés immédiatement. Dans ces conditions, chaque repas est un dîner de roi.

Guillaume Meurice, Cosme, Flammarion, 2018

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