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Blog Littéraire

Tralilou Lit

Tommy Orange, Ici n'est plus ici, Albin Michel, 2019, traduction de Stéphane Roques

Tommy Orange, Ici n'est plus ici, Albin Michel, 2019, traduction de Stéphane Roques

Dans un roman choral, l'auteur dresse le portrait de 12 hommes et femmes issus de la communauté amérindienne.

Des "indiens urbains", d'aujourd'hui, loin des clichés que nous connaissons.

Nous sommes à Oakland, le grand Pow-wow approche, et leur destin va se lier autour de cet événement ...

Il n'y a pas de là, là : ici n'est plus ici.

Tommy Orange, Ici n'est plus ici, Albin Michel

Ce premier roman est un gros coup de cœur, une petite merveille à tout point de vue.

C'est un livre qui parle d'identité, de connaissance de soi, de filiation et de comment (toujours) le présent est lié au passé.

C'est aussi un livre sur l'Amérique, celle qu'on connaît et celle qu'on connaît moins, ou mal. L'histoire d'un génocide et d'une discrimination ancienne et silencieuse ...

Tommy Orange nous raconte à travers ses personnages, et quelques pages de prologue et d'entracte, les amérindiens d'hier et d'aujourd'hui, les natifs, ceux qui ont vécu les massacres, ceux qui s'en souviennent et ceux qui n'étaient pas nés mais qui les portent en héritage.

Enfin, ce livre évoque le territoire et, quelque part, en miroir, le déracinement.

C'est un roman fort et sombre. Oui, il y a la drogue, l'alcool, la violence, pour oublier, pour s'oublier ou pour s'en sortir et prendre sa revanche . Mais il y a aussi un peu d'espoir, un passé qui se déchiffre, une quête de sens, des retrouvailles.

Il était parfois un peu difficile de s'y retrouver parmi les nombreux protagonistes. Mais chaque personnage m'a touchée par son histoire et son parcours. Sans doute y-a-t-il un peu de l'auteur dans quelques-uns d'entre eux.

L'écriture est juste sublime. C'est subtile, réaliste et poétique à la fois. Je me suis arrêtée dans ma lecture à plusieurs reprises pour relire des passages magnifiques.

Je vous conseille à toutes et à tous ce superbe roman.

 

Ce que je suis venu dire, c'est que toute notre approche, depuis le premier jour, ressemble à cela : des jeunes sautent par la fenêtre d'immeubles en flammes et trouvent la mort. Et nous pensons que le problème, c'est qu'ils sautent. Voilà ce que nous avons fait : nous avons tâché de trouver un moyen de les empêcher de sauter. Nous les avons convaincus qu'il vaut mieux brûler vif que s'en aller dès que les ennuis deviennent trop brûlants.

Tommy Orange, Ici n'est plus ici, Albin Michel

Le fait d'être indien ne collait pas non plus. Et pratiquement tout ce qu'Orvil sait à présent de l'identité indienne, il l'a appris en théorie.

Tommy Orange, Ici n'est plus ici, Albin Michel

Nous avons organisé des pow-wows parce que nous avions besoin d'un lieu de rassemblement. Un endroit où cultiver un lien entre tribus, un lien ancien, qui nous permettait de gagner un peu d'argent et qui nous donne un but, l'élaboration de nos tenues, nos chants, nos danses, nos musiques. Nous continuons à faire des pow-wows parce qu'il n'y a pas tant de lieux que cela où nous puissions nous rassembler, nous voir et nous écouter.

Tommy Orange, Ici n'est plus ici, Albin Michel

Nous sommes indiens à cent pour cent, métis, quarterons, octavons, nous pouvons avoir un seizième de sang indien, avoir été des Indiens le temps de trente secondes. Impossible calcul. Insignifiant reliquat.

Tommy Orange, Ici n'est plus ici, Albin Michel

Désormais, Manny n'est plus ici ou là. Il est au milieu du milieu, là où on est quand on ne peut plus être ailleurs.

Tommy Orange, Ici n'est plus ici, Albin Michel

Le truc qui me tue avec ton absence, c'est que je n'ai jamais vraiment parlé avec toi. [...] Je n'ai d'ailleurs jamais vraiment su tout ce que je voulais te dire jusqu'à ce que tu ne sois plus là.

Tommy Orange, Ici n'est plus ici, Albin Michel

Tu es entré dans la pièce et, juste à ce moment-là, ils se sont mis à chanter. Des lamentations aiguës et des harmonies sonores qui perçaient sous le battement du grand tambour. Des mélopées anciennes qui s'adressaient à la tristesse ancienne que tu gardais toujours à fleur de peau malgré toi.

Tommy Orange, Ici n'est plus ici, Albin Michel

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